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business is business (evangeline)

Joseph Nomura
Joseph Nomura
Date d'inscription : 03/09/2021
Messages : 104
x âge : 37 ans
x occupation : comité d'excuses à l'intention des moldus
x situation : divorced

   
Il n’y a pas le moindre endroit sur terre où Joe Nomura se sente plus mal à l’aise que dans un café aux vibes bienveillantes, aux odeurs rondes et sucrées et où les boissons chaudes sont servies par demi-litres et bourrées de sucre. Oh, il aurait pu se rendre dans un pub, mais la vérité est qu’il ne connaît pas vraiment Hampstead, il est plus habitué aux quartiers du sud de Londres. Lorsqu’il avait proposé ce rendez-vous, donc, il avait donné l’adresse du premier établissement trouvé sur google où il était possible de boire un coup. L’idée était de rapprocher son interlocutrice de chez elle pour lui donner moins de raisons de refuser de lui parler, et aussi effrayant cela puisse sembler, Joe voit plutôt ça comme un choix de convenance : quitte à demander à une inconnue de le rejoindre quelque part, autant faire ça pas trop loin de chez elle. Point.

Le voilà donc, avec devant lui un immense latte au lait d’amandes auquel il n’a – évidemment – pas pu résister, parce qu’il aime râler mais se tient rarement à ses convictions. Un peu nerveux, ses doigts pianotent sur le mug et son regard ne se détache pas de la porte d’entrée du café. Il attend une certaine Evangeline Booker, dont le nom et l’histoire lui sont plutôt familiers puisque médiatisés depuis plusieurs années à présent. Lors d’une réunion des Oubliés, Joe s’est porté volontaire pour lui parler. Après tout, cela fait un long moment qu’ils ressassent l’histoire de Booker lors de leurs rassemblements et il est vrai qu’il doit avouer que les raisons de son amnésie sont suspectes. Aussi, il est aujourd’hui missionné : parler à la jeune femme, lui dévoiler leur théorie et éventuellement, dans le meilleur des cas, l’emmener à la prochaine réunion. Une personne comme Evangeline portée en étendard des Oubliés serait du pain béni pour la médiatisation de la cause.

Quelques jours plus tôt, donc, il était entré en contact avec l’intéressée qui avait accepté de le rencontrer, donc. Mais ça, vous devez déjà le savoir – on n’en serait pas là sinon. Bien décidé à dire ce qu’il a à dire, Joe attend patiemment. Et lorsque la silhouette se dessine à l’entrée de l’établissement, il l’invite d’un signe de la main. « Miss Booker. Joseph Nomura, merci d’avoir accepté de me rencontrer. » Il la gratifie d’un sourire bienveillant qu’il ne se connaît plus vraiment depuis l’accident. « Je vous offre quelque chose à boire ? »
Evangeline Booker
Evangeline Booker
Date d'inscription : 04/09/2021
Messages : 17
x âge : 32 ans
x occupation : Serveuse à mi-temps à Jane's Café
x situation : Célibataire

   

Evangeline avait pris l'habitude de ce genre de rencontres. Des gens curieux de savoir, de comprendre. Des personnes intriguées par son histoire. Cela n'arrivait plus aussi souvent que cela avait pu se produire, dans les premiers temps où elle avait publié son livre et après la sortie du film, mais de temps à autre, quelqu'un se manifestait, et Evangeline acceptait généralement l'invitation.

Elle n'avait aucune difficulté particulière à évoquer sa situation, et il lui était déjà arrivé de rencontrer quelques uns de ses amis par ce biais, de simples curieux qui se sont par la suite révélés véritablement attirés par la personnalité positive et enjouée de la demoiselle. Evangeline ne s'était donc pas posé de questions quand un homme avait pris contact avec elle à ce sujet et lui avait donné rendez-vous, à fortiori dans un lieu public. Un lieu dans lequel elle appréciait d'ailleurs de passer du temps, hors de ce contexte...

Evangeline était arrivée pile à l'heure, heureuse de pouvoir se réchauffer en bonne compagnie. Elle chercha du regard la personne qui l'avait conviée, un sourire se dessinant sur ses lèvres lorsque ce dernier l'invita à approcher. Retirant les couches de vêtements qui la protégeaient du froid, elle serra la main du dénommé Joseph, déclarant d'une voix amusée :

"Evangeline, s'il vous plaît. Ou Eva, si vous préférez faire court. Miss Booker, c'est beaucoup trop formel. J'espère que je peux également vous appeler Joseph. Mr. Nomura, c'est trop... distant. Même si c'est un très joli nom de famille."

Un clin d'œil plus tard, Eva s'était assise en face de l'homme, réfléchissant à sa proposition. Une boisson chaude, ce ne serait pas de refus... La frileuse qu'elle était avait besoin de réchauffer ses pauvres petits organes.

"Ce sera un cappuccino pour moi, merci. Sans sucre. Je ne dis jamais "non" à une boisson gratuite, pour sûr !"

Evangeline salua la serveuse qui leur apporta leur commande, qui s'enquit brièvement de sa santé et prit de ses nouvelles. Eva lui retourna la politesse avec sincérité, avant de reporter son attention sur Joseph, humant le doux parfum qui émanait de sa boisson :

"C'est toujours un plaisir de faire de nouvelles rencontres. Sachez qu'il n'y a pas de questions que vous ne pouvez pas poser, tant que cela me concerne directement. Je préfère garder le silence sur mes parents, je ne souhaite pas parler d'eux sans leur consentement."

Evangeline prit une rapide gorgée, grimaçant lorsque la boisson trop chaude lui brûla la langue, avant d'ajouter, reposant son menton sur le dos de ses mains jointes :

"Alors, Joseph Nomura, on se met directement dans le bain, ou on fait un peu connaissance avant ? Si vous êtes curieux d'en savoir plus sur moi, sachez que j'en pense tout autant de mon côté."

Quoi qu'il choisisse, Evangeline ne s'offenserait pas. Certaines personnes étaient juste curieuses par rapport à son histoire, mais ne souhaitaient pas plus qu'une interaction d'un jour. Pour Eva, c'était toujours l'occasion de sortir de chez elle et sociabiliser, même si cela ne débouchait sur rien de concret. C'était déjà mieux que rien...
Joseph Nomura
Joseph Nomura
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x occupation : comité d'excuses à l'intention des moldus
x situation : divorced

   
Le cracmol ne tarde pas à se rendre compte que son interlocutrice incarne la gentillesse dans sa forme la plus pure. Une raison de plus de le convaincre qu’il a pris la bonne décision lorsqu’il s’est porté volontaire pour discuter de son passé, lui raconter l’histoire de plusieurs de ses camarades, si similaires à la sienne, et lui révéler sa théorie. Joe ne souhaite pas la brusquer, son intention n’est pas là, mais il croit dur comme fer que chacun mérite de connaître sa vérité… et d’avoir toutes les cartes en mains pour faire quelque chose si le besoin s’en ressentait.

Il hoche la tête, entendu : « Joe, alors. Rares sont ceux qui m’appellent encore Joseph. » Sa mère, peut-être. Son ex-femme, surtout, depuis le divorce et depuis qu’elle a des choses à lui reprocher à chaque fois qu’ils se croisent. D’un sourire, il invite la jeune femme à s’installer pendant qu’une serveuse leur apporte la commande. Elles se connaissent, du moins se sont déjà vues. Bingo : Nomura a bien choisi son endroit.

Evangeline parle et il écoute, en profitant pour boire une gorgée de son café trop sucré. Il la trouve bien plus à l’aise que lui et s’en étonnerait presque avant de se souvenir que la pauvre vit sous le feu des projecteurs depuis un sacré bail maintenant. Pas une situation enviable si vous voulez son avis sur la question. Joe hoche la tête à nouveau pour montrer son approbation. Le peu de conditions qu’elle donne lui semblent tout à fait légitimes. « Bien sûr », il acquiesce, « c’est tout à fait compréhensible. » De toute façon, c’est d’elle qui souhaite parler, pas vraiment de ses parents. Si la théorie des Oubliés s’avère correcte, ils ne sont également qu’une paire de victimes supplémentaires du monde sorcier, pas vraiment des acteurs principaux dans la sombre histoire d’amnésie de son interlocutrice.

Elle souhaite faire connaissance, soit. Parler de lui n’est pas l’occupation préférée de Nomura, déjà parce qu’il n’estime pas être suffisamment intéressant pour, ensuite parce qu’il est facile de prendre en pitié le pauvre père célibataire et endeuillé qui se retrouve seul du jour au lendemain. L’histoire est triste à mourir et la partager avec Evangeline ne ferait qu’ajouter une paire d’yeux pleines de pitié supplémentaires à son cercle de connaissances. Pourtant, il sent qu’avec les révélations qu’il s’apprête à lui faire, il vaut mieux que la jeune femme ait de quoi lui faire confiance – et ça passe par divulguer quelques détails à son propre sujet. Voire même, il vaudrait mieux qu’elle ait pitié de sa situation. « Faisons connaissance. », il lance après quelques secondes de réflexion. « Ca ne doit pas vous paraître juste que tout le monde en sache autant sur vous sans que ce soit réciproque. » Une dernière gorgée de sucre au café et il lance, un sourire aux lèvres, dissimulant tant bien que mal son malaise alors qu’il jauge intérieurement les mensonges qu’il aura le droit de dire ou non : « Que souhaitez-vous connaître de Joe Nomura ? »
Evangeline Booker
Evangeline Booker
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x situation : Célibataire

   
Evangeline se sentait à l'aise en compagnie de Joseph. Non, Joe. L'homme n'était pas aussi intrusif que d'autres personnes ayant la même démarche avaient pu l'être. Il avait immédiatement accepté sa condition, ce qui était assez rare pour être souligné. Un certain nombre de personnes était plus intéressé par l'impact du handicap d'Evangeline sur son entourage que par la vie qu'elle menait ou la femme qu'elle était.

Evangeline ne comptait plus le nombre de fois où elle s'était entendue dire à quel point cela devait être dur "pour ses parents", comme ils étaient courageux et aimants d'être là pour elle envers et contre tout, et plus encore. C'était une narration qui ignorait Eva, la mettait en "fardeau" à porter pour ceux qui la fréquentaient, et faisait renaître des sentiments de culpabilité vis-à-vis du simple fait "d'être", d'exister. Elle ne voulait plus que son histoire soit racontée sous cet angle. Elle était plus que cela, bien plus que cela.

Evangeline eut un rire à la remarque de Joseph, concernant l'injustice du fait d'être plus connue qu'elle ne connaissait autrui. Prenant une gorgée de sa boisson, elle haussa les épaules, lui offrant une réponse amusée :

"Oh, vous savez, j'en ai pris l'habitude. Parfois, j'ai des gens qui viennent me rendre visite, et qui font partie de ce passé dont je ne me rappelle plus. Ils me montrent des photos, me racontent des anecdotes, et connaissent bien mieux cette Evangeline que je ne la connaîtrais jamais. Si je m'offusquais à chaque fois que quelqu'un en sait plus à mon sujet que l'inverse, je serais constamment contrariée. Je préfère en rire."

Ce qu'elle souhaitait connaître de Joe Nomura ? Hmm... Vaste question. Il y avait tant de choses à savoir de quelqu'un avant de pouvoir estimer qu'on le connaissait. Evangeline ne voulait pas être intrusive, elle ne savait que trop à quel point cela pouvait être malaisant. Et puis, tous deux se connaissaient encore à peine...

Son visage trahissant clairement sa curiosité, Evangeline posa alors la première question qui lui vint en tête, un sourire aux lèvres :

"Quel est votre livre préféré ?"

Joe s'attendait peut-être à ce qu'elle lui pose des questions sur un éventuel mariage, des enfants qu'il pourrait avoir, ou quoi que ce soit dans le genre. Evangeline préférait connaître ses goûts, la meilleure manière, selon elle, de pouvoir jauger un personnage, déterminer quelle sorte de personne lui faisait face.

"Et votre film ? Je suis une adepte de fiction en général, vous pouvez dire que je vis par procuration. J'ai passé les dernières années de ma vie à relire et revoir des histoires que j'avais complètement oubliées. Je trouve que nos préférences disent bien plus sur notre personne que des données et informations qu'on pourrait retrouver dans un CV ou un dossier médical ou administratif. Par exemple..."

Evangeline esquissa un petit rictus, avant d'ajouter plus bas :

"Si vous me dites que votre film préféré, c'est "Amour et Amnésie", je vais m'enfuir sans demander mon reste. Quelqu'un a actuellement déjà essayé de prétendre que nous étions dans une relation avant tout ça. Il s'avère que je ne le connaissais ni d'Eve ni d'Adam."

C'était ce qui était le plus difficile à vivre. Les mensonges qu'elle ne pouvait pas reconnaître. Les vérités qu'on lui cachait. Toutes ces choses sur lesquelles elle n'avait aucun contrôle.
Joseph Nomura
Joseph Nomura
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Joseph retient un soupir de soulagement alors que son interlocutrice se concentre plutôt sur ce qu’il aime que sur les détails sordides de sa vie. Les premières questions que la plupart du monde posent lorsqu’ils rencontrent des inconnus ressemblent plutôt à êtes-vous marié ?, que faites-vous dans la vie ?, ou autres avez-vous des enfants ? accompagnée dans ce cas précis d’un regard dévorant en attente d’une batterie de détails, photos, prénoms. Tout ces sujets de conversations que Joe préfère éviter d’aborder, parce qu’ils sont au mieux un peu honteux, au pire carrément déprimants. Il n’arrive déjà pas à évoquer Juliet avec sa psy sans bredouiller. Oh, le cracmol se serait fait violence s’jl avait dû en parler, pour le bien de la cause, mais ne pas avoir à le faire lui procure une sensation de bien-être indescriptible.

Les remarques d’Evangeline arrachent un rire nerveux à notre intéressé, suivi d’une grimace embarrassée. « Désolé, c’est loin d’être drôle, c’est même franchement flippant si vous voulez mon avis. » D’un geste désinvolte, il se gratte l’avant-bras, signe de malaise chez Nomura. « Un avis tout à fait inutile, d’ailleurs. N’importe qui avec un tant soit peu de bon sens s’abstiendrait de ce genre de comportement. Vraiment, ça me dépasse. » Si la planète était peuplée de personnes de bonne intention, ça se saurait, cela dit. Le cracmol secoue la tête et décide d’en revenir à lui, faute de mieux. « Non, un film préféré ? Bonne question. » Il lève les yeux au ciel, à la recherche de ses souvenirs. Joe n’est pas un grand cinéphile, et il regarde rarement deux fois la même chose. « J’imagine que si j’avouais avoir pleuré devant Forrest Gump et qu’à choisir, je préfère mille fois De Niro à Al Pacino, ça ferait de moi quelqu’un de terriblement banal et ennuyeux, non ? » Un faible rire s’échappe de ses lèvres. Il ajoute, plus bas : « Je viens d’une famille pour qui la culture est… secondaire, je dirais. Je suis en retard sur beaucoup de classiques. » Demi-mensonge. La culture était très importante chez les Nomura. Seulement, Joe est capable de citer son top 10 des meilleurs musicals sorciers de tous les temps mais il n’a commencé à se faire un avis sur les œuvres moldues que très tard. Vous y croiriez, si je vous disais qu’il n’a pas encore vu le moindre Star Wars ? « Quant à mon livre préféré, j’ai récemment découvert La Ferme des Animaux… » Son regard s’illumine quelque peu alors qu’il siffle un petit pfieeew et qu’il mime un feu d’artifices d’un geste des mains. « J’ai un peu plus d’un demi-siècle de retard, mais bon. »

Joe hausse les épaules. Il n’a pas tout à fait l’habitude de parler autant, alors il se calme. Doucement, il croise les bras sur la table devant lui. « Je peux vous retourner la question ? » Après tout, Evangeline avait tout oublié et redécouvrait un tas de choses, selon ses propres dires. Elle devrait le comprendre, d’une certaine manière…
Evangeline Booker
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Evangeline avait appris à rire et à sourire de beaucoup de choses, mais il était évident que le monde dans lequel elle évoluait était loin d'être rose, un monde pour lequel elle manquait d'armes. Des gens qui avaient voulu tirer avantage de sa condition, il y en avait eu un petit nombre. Pour certains, le mal restait relativement inoffensif, quand d'autres s'étaient révélés prêts à la manipuler avec des intentions bien plus sinistres.

Elle le savait, Evangeline devrait probablement se méfier de tout et tout le monde, mais exister de cette façon, ce n'était pas vivre. Malgré les risques qu'elle courrait, Evangeline préférait s'ouvrir à autrui. Accorder sa confiance. Croire qu'il y avait du bien dans tout un chacun, avant de voir le pire partout. Elle aurait pu refuser de rencontrer Joe, présumer qu'il n'avait pas de bonnes intentions à son égard, mais cela aurait signifié rater cette conversation agréable qu'ils étaient en train d'avoir. Ce qui était bien dommage.

"C'est une bonne chose que ce genre d'idées vous dépassent. Ca veut dire que vous êtes quelqu'un de bien."

Evangeline prit une gorgée de cappuccino, savourant brièvement le goût de la boisson, avant de reprendre d'une voix douce :

"Bien sûr que c'est flippant, comme vous le dites. Mais je préfère croire que tout va bien se passer, plutôt que de sans cesse craindre l'avenir, les autres, mettre le nez dehors... Vivre constamment dans la peur, ce n'est pas une vie."

Ses mains resserrées autour de sa tasse, Evangeline prêta toute son attention à Joe, secouant la tête lorsque ce dernier se montra dépréciatif envers lui-même :

"Je ne vous trouve ni banal ni ennuyeux, Joe. Et, même si c'était le cas, je ne pense pas que la banalité ou l'ennui sont à fuir dans l'absolu. Une journée banale et ennuyeuse peut être tout à fait heureuse. De temps à autre, j'apprécie sincèrement de pouvoir me poser sans rien faire, et de ne m'inquiéter de rien ni de personne. On sous-estime le bienfait de la banalité et de l'ennui, j'en suis convaincue."

Juger Joe pour son "manque" de culture était à mille lieues de la façon de penser d'Evangeline. Cela aurait été hypocrite de sa part, étant donné ses propres lacunes. Eva avait dû réapprendre à lire, écrire, et compter, des connaissances basiques utilisées par tout un chacun au quotidien sans y accorder la moindre réflexion.

Le simple fait de pouvoir savourer un livre était un plaisir immodéré pour elle, de savoir qu'elle avait réussi à réapprendre ces choses qui lui avaient échappé et qui, parfois, l'éludaient encore. De temps en temps, Evangeline posait ses yeux sur un texte, et ne pouvait en comprendre les mots, avec l'intime conviction qu'elle était supposée savoir le faire. Elle détestait ces instants du plus profond de son coeur.

Reprocher à Joe de ne pas disposer d'une vaste culture littéraire n'avait pas le moindre sens pour Evangeline. Il y avait tant de livres que la jeune femme découvrait et redécouvrait chaque jour, après tout... Et puis, quel bénéfice y avait-il à se montrer méprisant, quand on pouvait encourager à l'ouverture et à la découverte ?

"J'ai peut-être déjà lu "La Ferme des animaux", mais je n'en ai pas le moindre souvenir. Mais je me rappelle de Forrest Gump, et, pour sûr, c'était un sacré film !"

Lorsque Joe lui retourna la question, Evangeline hocha la tête pour lui signifier qu'elle n'y voyait aucun inconvénient, avant de laisser ses pensées divaguer afin de lui apporter réponse. Un livre et un film préférés... L'idée lui rappela un vague souvenir, celui de ses parents tentant de secouer sa mémoire défaillante en lui montrant des scènes de films qui auraient dû lui être évocatrices, mais qui, désormais, ne lui inspiraient ni chaud ni froid. Ses goûts, elle le savait, avaient évolués avec sa personnalité, celle qu'elle était aujourd'hui, quelque peu différente de celle qu'elle était autrefois.

"Vaste question. Récemment, j'ai apprécié lire Spontaneous d'Aaron Starmer. Je sais que c'est de la littérature pour ados, mais il y a quelque chose qui a résonné avec moi là-dedans. Cette idée qu'on ne sait jamais ce qui peut arriver, qu'à tout moment, tout peut s'arrêter, mais qu'on peut trouver quelque chose de beau dans chaque seconde, chaque instant, même le plus simple..."

La tête d'Evangeline n'avait pas subitement explosé, comme les adolescents de l'histoire. Mais quelque part, c'était tout comme, des années de vie parties pour ne plus jamais être retrouvées, l'ancienne Evangeline disparue pour laisser place à une toute autre personne. Sa chance à elle, c'était de pouvoir continuer à vivre. A apprécier chaque moment, en sachant qu'ils pouvaient disparaître si vite...

"J'ai beaucoup aimé le film qu'ils en ont fait aussi. Bizarre, pour sûr. Mais, après tout, je suis quelqu'un de bizarre aussi. Ce n'est pas si étonnant que ce type de contenus m'attire."

Evangeline eut un petit rire. Elle aimait parler avec Joe. L'homme lui donnait l'impression de pouvoir s'exprimer sans la moindre peur, sans le moindre doute. Dénué de jugement, contrairement à bien d'autres. Evangeline était curieuse d'en connaître plus à son sujet. D'apprendre à le découvrir au travers de cette entrevue qu'ils avaient aujourd'hui, et peut-être davantage encore.

"Dans le livre et le film, les personnages savent que, à tout moment, tout peut s'arrêter. Et ils agissent et évoluent en conséquence. Ils ont cette conscience absolue que la vie et tout ce qu'elle a à offrir sont des choses profondément fragiles. Ou certains s'estiment au-dessus de cela et pensent que cela n'arrive qu'aux autres. Qu'ils sont invincibles. Peut-être que je me croyais invincible aussi, à l'époque, avant tout ça."

Evangeline prit une autre gorgée de son cappuccino, essuyant délicatement ses lèvres tachées, avant de plonger son regard dans celui de Joe :

"Et vous, Joe ? Du genre à vous penser invincible ou l'inverse ? Aujourd'hui, je suis dans l'idée qu'il n'y a rien de mieux que savourer ce qui est devant nous et ne pas s'inquiéter trop de l'avenir ou du passé. Et devant moi, il y a quelqu'un de très sympathique, un délicieux cappuccino et une conversation des plus intéressantes. Pourquoi se préoccuper du reste ?"

Un nouveau sourire. Evangeline mentirait si elle affirmait ne jamais songer à ces choses-là. Mais elle avait choisi de se focaliser avant tout sur l'instant présent. Tout plutôt que de rester coincé dans ce qui avait été et ne serait plus jamais.
Joseph Nomura
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[tw : deuil, perte d’enfant, idées noires]

Joseph ne sait pas s’il mérite réellement d’être décrit comme quelqu’un de bien, surtout pas alors qu’il se trouve là en mission de recrutement pour une association comme celle des Oublié·e·s dont les intentions ne sont pas toujours bienveillantes. Pourtant, il a beau en avoir conscience, il ne répond rien, se contente de hocher la tête, acceptant au moins l’idée d’être une personne décente aux yeux de quelqu’un. Il était toujours plaisant de discuter avec quelqu’un comme Evangeline, qui depuis le début de leur courte conversation semble s’efforcer de trouver un bon côté à chaque chose.

Il est moins sûr cependant d’adhérer à sa théorie sur l’ennui. « Je comprends votre point de vue. », se contente-t-il d’annoncer tout d’abord, pas certain d’avoir envie de s’épancher. Il y a plusieurs mois, il est évident qu’il aurait partagé cette opinion. Aujourd’hui cependant, l’ennui le renvoie à ses démons, à ses pensées qui vaquent, et il ne s’autorise plus ce risque. Alors, pour éviter d’en dire trop, il préfère retourner les questions à son interlocutrice qui se prend au jeu avec finesse. « Je ne connais pas du tout », il annonce avec un sourire, « mais je vais m’y intéresser. » Plus Evangeline en parle, plus elle le convainc de s’essayer à la littérature jeunesse. Joe ne se refuse pas grand-chose de manière générale, du moment que l’histoire est intéressante. Et c’est précisément l’impression que ça lui donne.

Dans une tentative de protection, il se cache derrière sa tasse qu’il termine. S’il doit être honnête, il aurait tendance à répondre qu’elle a tort, que la vie ne s’arrête pas au moment présent, qu’il y a des tas de raisons d’en vouloir au monde entier et qu’il donnerait tout ce qu’il a pour faire un saut dans le passé et empêcher l’accident qui lui a pris sa fille. Que le futur et la perspective d’oublier jusqu’au timbre de sa voix l’angoisse et qu’il donnerait pourtant si cher pour anesthésier la douleur qui lui serre la poitrine si fort et depuis si longtemps qu’elle en est devenue sourde, une partie de lui-même. Il n’y a que ceux qui ne connaissent pas la douleur qui peuvent se payer le luxe de ne penser qu’au présent, il pense sans le dire, conscient que c'est injuste et faux, une pensée plus égoïste que fondée. A la place, il se contente d’un sobre : « J’aimerais vraiment partager votre opinion. » Joe baisse la tête. « Mais c’est une philosophie que je peine à appliquer, malheureusement. » L’idée n’est pas de la braquer, il ne souhaite pas non plus argumenter outre mesure. Pourtant, il s’agit là d’une porte ouverte vers ce qu’il est réellement venu faire ici et il sent qu’il va lui falloir s’ouvrir un peu s’il espère réussir à aborder le sujet en douceur. Il aurait été plus simple pour Joseph de se retrouver face à une jeune femme rongée par la rancœur, soyons honnêtes.

Joe hasarde : « Disons que la vie ne m’a pas fait que des cadeaux, à moi non plus. Et loin de moi l’idée de prétendre savoir comment je réagirais dans votre cas, je ne l’ai pas vécu, mais je dois bien avouer que j’ai du mal à imaginer me débarrasser de ma rancœur pour vivre dans le présent. » Non, il est plutôt du genre à ruminer sa colère en ignorant la petite voix de sa psy au fond de sa tête, qui tente de le raisonner à grands coups de mots qui blessent – toxique étant sans aucun doute son préféré. Et puis, il y a toutes ces victimes aux Oublié·e·s, dont plusieurs ont vécu des situations similaires à celles d’Evangeline et qui, elles, n’ont pas réussi à tourner la page. « J’ai, hum », il commence, décidant tout d’un coup de se confier. Si Juliet avait eu l’âge de comprendre, si seulement elle avait appris qu’il se sert d’elle pour arriver à ses fins, elle le haïrait sûrement à tout jamais. Il peine à cacher le cataclysme dans ses yeux noircis, aussi il baisse le regard, soudain fasciné par ses mains qu’il croise sur la table. « J’ai perdu ma fille, il y a quelques mois. » Il prend une pause, quelques secondes pour reprendre un peu de contenance, déglutir et relever la tête. « Désolé, je ne veux pas plomber l’ambiance, c’est que… je n’avais pas pris contact avec vous pour rien, et, hum, je devais vous parler d’elle, j’aurais aimé ne pas le faire, mais, voilà. » Pourquoi diable l’avait-on missionné, lui, pour faire ça ? Lui, si mal à l’aise lorsqu’il s’agit de parler de choses importantes ? « J’ai des raisons de penser que ce qui m’a enlevé ma fille pourrait aussi être responsable de ce qui vous est arrivé. J’ai des informations que vous pourriez trouver… well, utiles. »

La bombe est lâchée. Reste à voir si sa méthode pour ainsi dire hasardeuse n’aura pas fait plus de mal que de bien. S’il a éveillé son intérêt.
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